Pendant de nombreuses années, les paroissiens ont bénéficié des homélies et enseignements du Chanoine Sesbouë, exégète, ancien professeur au Séminaire et intervenant à la Formation permanente du diocèse. Après son retrait des activités paroissiales il a pris le temps de collecter et relire toutes ses homélies des trois années liturgiques. A partir du temps de l’Avent de cette Année A, chaque dimanche, nous nous réjouissons de méditer avec lui la Parole de Dieu.
Troisième dimanche de l’Avent A 16 décembre 2010
Jésus et Jean
La grande figure de Jean-Baptiste est très présente en ce temps de l’Avent. Certes, Jean n’a pas eu la mission d’annoncer la naissance de Jésus, mais son entrée en scène dans le monde avec son baptême et sa prédication. Il n’en demeure pas moins le précurseur du Messie, celui qui vient derrière moi comme il le dit. Pour le deuxième dimanche consécutif, nous relisons un passage d’évangile qui le concerne, plus spécialement, qui exprime la relation existant entre Jésus et lui.
Notre texte d’aujourd’hui comporte deux parties : une question de Jean sur Jésus, un jugement de Jésus sur Jean.
1) La question de Jean
Dans sa prison où Hérode l’avait fait enfermer, Jean apprend comment Jésus agit et parle. Et il lui fait poser cette question : Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? Celui qui vient est une expression qui désignait le messie. Ce sera le cri de la foule au jour des Rameaux : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Ce titre messianique signifie la réalisation de la longue attente d’Israël. Or, dans l’évangile de dimanche dernier, Jean proclame : Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi. Cette affirmation solennelle comportait la reconnaissance du Messie attendu. Pourquoi alors cette question de Jean ? S’agit-il d’une hésitation, d’un doute ? Il y a plus que cela. Nous pouvons parler d’une crise intérieure. Dans la ligne de la piété juive qui souffrait de voir tant d’impies ternir l’image d’un Israël désiré être une communauté sainte, Jean annonçait la purification de cette communauté par l’exclusion des éléments indésirables et pécheurs. Tant de psaumes expriment cette prière d’être arraché à la main des impies. Rappelons-nous cette annonce véhémente entendue dimanche dernier : déjà la cognée est à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Or Jésus va voir les pécheurs, il s’installe à leur table, il les appelle à la conversion en prêchant la miséricorde divine. C’est n’est pas le « profil » messianique annoncé par Jean. La réponse de Jésus renvoie aux guérisons annoncées par les prophètes : les aveugles voient, les boiteux marchent, et à cette grande mission : la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, c’est-à-dire non seulement aux démunis, mais aux pauvres de cœur, aux humbles, disposés à accueillir la Parole divine. N’y a-t-il pas là tous les signes suffisants pour reconnaître en Jésus la personne du Messie ?
2) Le jugement de Jésus
Aux foules qui l’entourent, Jésus proclame un ? appuyé de son précurseur. Malgré sa simplicité, Jean est un vrai prophète, un grand prophète, le dernier message annonciateur du Messie définitif, celui que le livre de Zacharie comparait à Élie dont le rayonnement était célèbre en Israël : voici que j’envoie mon message en avant de moi…
Jean est le type parfait du juste de l’ancienne Alliance : parmi les hommes, il n’en a pas existé de plus grand que Jean-Baptiste. Pourquoi Jésus ajoute-t-il : cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui ?
Cette comparaison ne vise pas le degré de sainteté : beaucoup de chrétiens n’auront pas la sainteté de Jean ; mais la dignité tant gratuite de ceux qui, venus dans l’histoire après Jésus, feront partie de son Royaume. La nouvelle Alliance l’emporte beaucoup sur l’ancienne : elle marque les « derniers temps » dont parle l’épitre aux Hébreux, c’est-à-dire le temps de l’accomplissement des promesses, du salut décisif accompli en la personne de Jésus.
Ces deux éléments de notre texte évangélique nous appellent à une double attitude spirituelle : la témérité de notre foi et l’action de grâces.
La question de Jean Es-tu celui qui vient résume au fond du cœur humain mais en présence de Jésus. Elle se traduit dans les évangiles, par les innombrables interrogations des contemporains : Qui est-il ? avec les harmoniques : D’où vient-il ? Où est-il ? Où va-t-il ? Jésus posera lui-même à ses disciples la question : Pour vous qui suis-je ?
Notre foi en Jésus doit être celle de l’Église : le Fils de Dieu, fait homme pour nous révéler la vérité et nous sauver par sa passion.
Cette foi, nous l’exprimons dans notre prière et intensément dans la participation au mystère eucharistique, mémorial de la passion, et don de Jésus ressuscité qui apporte la vie.
La dernière phrase de notre évangile nous appelle à l’action de grâces. Heureux sommes-nous d’être les enfants de la nouvelle Alliance de recevoir, par Jésus, la lumière totale sur Dieu et sur le sens de notre vie. En cette proximité de Noël, foi et action de grâces se traduisent tout naturellement par un amour qui nous porte à être de vrais disciples, soucieux de répondre oui aux appels de notre Sauveur.
Et nous pouvons résumer notre méditation sur Jésus et Jean par cette réflexion de saint Augustin : Jean était la voix, mais le Seigneur était la Parole. Jean, une voix pour un temps, le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle.
Que Jean-Baptiste nous conduise à Jésus dont nous sommes heureux d’être les disciples, les serviteurs, les amis.
Amen.