Afin de commémorer le 80e anniversaire de la rafle du Vel D’hiv ce samedi 16 juillet, le grand rabbin de France Haïm Korsia a demandé à ce que la lettre de Mgr Jules Saliège soit lue dans toutes les synagogues de France. L’occasion de rappeler le courage des chrétiens envers leurs frères juifs pendant la seconde guerre mondiale.
Pour les 80 ans de la commémoration de la rafle du Vel d’hiv, ce samedi 16 juillet 2022, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a demandé à ce que soit lue dans toutes les synagogues, la lettre de Mgr Jules Saliège qui, dans un message limpide, « réveilla clairement les consciences chrétiennes », en août 1942.
En effet, quelques jours après la rafle du Vélodrome d’Hiver, à Paris, les 16 et 17 juillet, où près de 13.000 personnes (dont des familles entières) furent arrêtées « parce que juifs », Mgr Jules Saliège, alors évêque de Toulouse, rédigea une lettre sans équivoque pour s’indigner de la façon dont ces hommes et ces femmes étaient traités. Et il demanda à tous les prêtres de son diocèse de lire sa lettre, devenue célèbre, en chaire, lors des messes dites le dimanche 23 août 1942.
LETTRE DE S.E. MONSEIGNEUR L’ARCHEVÊQUE DE TOULOUSE SUR LA PERSONNE HUMAINE
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?
Pourquoi sommes-nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante — l’expression a été remplacée par « émouvantes » après que Jules Saliège eut reçu des pressions — ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien-aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs — pour la même raison, ce mot a été remplacé par « erreurs ».
Recevez, mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud SALIÈGE
Archevêque de Toulouse
À lire dimanche prochain [23 août 1942], sans commentaire.
La lettre de Mgr Saliège, reprise et diffusée par la radio de Londres et par la presse clandestine de la Résistance, connaîtra un grand retentissement dans l’opinion. « Cela réveilla clairement les consciences chrétiennes », estime ainsi le grand rabbin Haim Korsia. D’où son souhait de faire lire cette lettre cette année, pour commémorer les 80 ans de la rafle. Ce sera d’ailleurs la première fois qu’un texte écrit par une autorité chrétienne est lu dans une synagogue, lors d’un office religieux. Mgr Saliège a reçu le titre de Juste parmi les Nations.
« Vous n’aurez pas les enfants »
En 1942, d’autres évêques ont également pris la défense des juifs, de manière courageuse, comme Mgr Pierre-Marie Théas, l’évêque de Montauban, qui a fait lire dans les églises de son diocèse une lettre s’indignant ainsi : « des Juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie », le 30 août 1942.
À Lyon, le cardinal Gerlier fera également lire pendant l’homélie dans toutes les églises de la région, le dimanche 6 septembre 1942, un communiqué où il dénonce la traque honteuse des Juifs et enjoint les religieux à ouvrir leurs monastères, après avoir sauvé 108 enfants juifs avec son célèbre « vous n’aurez pas les enfants ».
C’est d’ailleurs grâce à la résistance de ces évêques, que Pierre Laval, alors chef du gouvernement de Vichy et partisan résolu de la collaboration, demandera en 1942 au le général SS Carl Oberg, alors chef supérieur des SS et de la police allemande en France, de ne plus formuler de nouvelles revendications sur la question juive, « à cause de la résistance sans pareille de l’Église ».
Source : Aleteia